Publié le mercredi 27 avril 2022
Sept jeunes en situation de handicap - mental, physique ou sensoriel - ont donné, il y a quelques jours, le coup d’envoi de la saison 3 de "Mon Handicap met les Voiles". Accueillis par le club du CVAN à Nantes, ils ont su dépasser leurs appréhensions pour vivre pleinement les joies de la navigation. Retour sur une expérience inoubliable pour eux.
Ils sont âgés de 13 à 19 ans. Ils s’appellent Andréa, Dimitri, Esteban, Johan, Pauline, Sandy et Selya. Toutes et tous vivent avec un handicap : mental pour la plupart, visuel pour Esteban, physique pour Johan. Une différence qui ne les empêche pas d’avoir des rêves plein la tête et des étoiles plein les yeux, comme tous les jeunes de leur âge. Une différence qui sera un jour leur plus grande force !
Du 11 au 13 avril derniers, à l’invitation de l’association Des Pieds et Des Mains, ces pensionnaires de l'Internat Anne de Bretagne à Nantes, établissement géré par l'APAJH, ont vécu leur baptême de navigation. Un cycle d’initiation de trois séances (la quatrième ayant dû être annulée) organisé par le CVAN Nantes, l’un des clubs supports de l’opération "Mon Handicap met les Voiles". Ce programme, que nous avons lancé en septembre 2020, dans le sillage de notre fondateur Damien Seguin, a depuis permis à 250 personnes handicapées, accueillies au sein d’une trentaine d’établissements spécialisés, d’apprendre à naviguer sur des bateaux adaptés.
C’est justement à bord des Hansa du club nantais, ces petits dériveurs inchavirables, insubmersibles et facilement manœuvrables à l’aide d’un joystick placé devant soi, que nos jeunes matelots se sont mis à l’eau. Non sans appréhension. "J’avais peur de tomber à l’eau, nous a d’ailleurs confié Dimitri à l’issue du stage. Lundi, je n’ai pas voulu monter sur le voilier mais je suis allé sur le bateau à moteur, avec Sandy et Benoit (le moniteur). En voyant les autres ça m’a donné envie. Mardi, je suis donc monté sur le voilier mais j’avais encore peur. Il pleuvait trop ! Et aujourd’hui j’ai bien aimé. C’était super de naviguer, même si c’était un peu dur parce qu’il n’y avait pas de vent. Je suis content parce que j’ai progressé." Alors quand on lui demande s’il est prêt à embarquer à nouveau, la réponse ne se fait pas attendre : "Oui, j'aimerais bien en refaire pour continuer à battre ma peur (sic). Mais pas tout seul !" Mission (quasi) accomplie, pour notre plus grand bonheur.
Pour gagner la confiance de Dimitri et de ses camarades, Benoit Debierre, moniteur vacataire au CVAN, a su s’adapter. "Je cerne assez vite les personnalités des uns et des autres, ce qui me permet de réagir rapidement pour aménager le contenu de la séance en fonction du groupe, explique-t-il. L’idée avec eux c’était de démarrer en douceur, ne surtout pas les brusquer, pour leur faire sentir qu’ils sont en sécurité, qu’il n’y a pas de risque de chavirer." Loin d’être gagné d’avance, surtout lorsque la météo s’en mêle. Car après le vent fort le premier jour, les trombes d’eaux le deuxième - "on était trempés jusqu’aux os", a d’ailleurs dit Pauline -, la pétole s’est invitée lors de la dernière séance, à tel point qu’il a fallu sortir les rames ! "C’était un peu fatigant pour certains mais ils se sont surpassés, apprécie Benoit, qui a tenu à féliciter ses élèves : Bravo à tous parce que vous avez fait de beaux progrès. Vous avez appris à préparer un bateau, à naviguer, à vous débrouiller seuls mais aussi à vous entraider. Vous pouvez être fiers de vous !"
Jacques Dugenet, éducateur spécialisé à l’Internat Anne de Bretagne, ravi de voir les sourires illuminer les visages de son groupe de jeunes, a salué l’approche du moniteur de voile : "Benoit a été hyper attentif. Il les a encouragés, motivés, rassurés. Grâce à lui, ils ont osé se lancer." Johan, le plus jeune de la bande, du haut de ses 13 ans, a même fini par naviguer tout seul, tel un vrai marin. À armes égales avec ses copains, malgré son handicap physique (une dégradation évolutive des fonctions motrices). Car sur l’eau les barrières tombent, le handicap s’efface. "La voile est un sport génial pour ça. Ça montre à ces jeunes, qui doutent beaucoup, qu’ils sont plein de capacités. En faisant par eux-mêmes, en dirigeant le bateau, en réglant les voiles, ils ont pu mobiliser leurs compétences et leurs qualités. Ils ont aussi découvert l’adversité, avec la pluie, le vent... Les voir progresser et prendre confiance en eux dans ce contexte, c’était l’objectif. Il est plus qu’atteint."
"Je tiens à remercier l’association Des Pieds et Des Mains de nous avoir offert ce stage, poursuit l’éducateur. Quand la direction de l’établissement a appris que c’était gratuit, elle a foncé les yeux fermés ! Habituellement, ce sont les familles qui doivent participer financièrement pour offrir à leurs enfants ce type d’activité, or beaucoup ont un budget limité. Sans cette contrainte, on a donc pu monter le projet facilement. Un grand merci également au CVAN qui nous a super bien accueillis. On en redemande déjà !" Ça tombe bien, nous aussi !
Texte et photos : Jérémy Delaunay